samedi 19 février 2011

Une couronne pour le Roi des Limbes

Comment expliquer que, depuis Pablo Honey, chaque sortie d'album de la bande à Thom Yorke soit immanquablement le ressort d'un tel engouement ? Il faut dire que chaque disque de Radiohead a une histoire et un contexte qui lui est propre.

Rétrospective.

Rencontrés sur les bancs de la fac au milieu des années 1980, les membres du groupe (dans un premier temps appelé "On a Friday") ouvrent les vannes avec Pablo Honey (1993) suite à la sortie du tubissime Creep (bien que boudé en Angleterre, nul n'étant prophète en son pays). Dans la foulée d'une série de concerts donnée aux Etats-Unis, le groupe sort un EP (My Iron Lung), puis le sophomore The Bends en 1995, quelques mois après. En 1997, au terme de la tournée mondiale de The Bends, sort OK Computer, dont les flèches pop, expérimentales, et électroniques touchent en plein coeur la critique. S'en suit le syndrome classique (et pour le coup moins avant-gardiste) du "je ne veux pas être célèbre, foutez-moi la paix", et le groupe s'enferme alors dans un mutisme de près de trois ans. 2000, année du bug, mais surtout année de sortie de Kid A, qui marque une rupture totale avec les trois premiers opus. Electro, free-jazz, voix et instruments samplés sont au programme. Dans la même veine (bleue), Radiohead sort Amnesiac (à la mi-2001). Les deux albums se complètent (le morceau Morning Bell apparaît sur chacun, avec une interprétation différente), et aux dires du groupe, Kid A serait "la vision d'un feu au loin", alors qu'Amnesiac serait "la vision au sein même de ce feu". 2003, Hail to the thief est dans les bacs. Clairement moins dans l'expérimentation que la doublette précédente, beaucoup plus disparate au niveau de l'ambiance des morceaux, il est également l'album que j'ai le moins écouté/apprécié du groupe. Puis 2007, pour faire chier EMI à qui ils doivent encore un album, ils sortent In Rainbows, en téléchargement libre dans un premier temps (chaque acquéreur est libre de verser au groupe le montant de son choix, y compris rien du tout). L'opération est un succès pour le groupe, qui sortira tout de même une version CD du disque en décembre, produite chez XL Recordings. EMI, qui possède les droits sur les six premiers albums, libérera Radiohead de son contrat en sortant un best-of sans l'autorisation ni l'avis du groupe. Et enfin, le 14 février 2011, le groupe annonce via son site off' que le nouveau bébé, The King of Limbs sera disponible cinq jours plus tard, en téléchargement uniquement, dans un premier temps. L'album sera finalement disponible la veille, soit le 18 février.

Impressions après quelques écoutes.

Si le nom du disque n'est pas sans rappeler un précédent morceau de Radiohead (In Limbo, album Kid A), j'espérais secrètement que son ambiance puisse être retranscrite sur ces huit nouveaux titres. L'album s'ouvre ainsi sur un Bloom à l'intro au piano angoissante. Kid A semble présent, la suite de la chanson rappelant les début du National Anthem. La voix est plutôt claire, pas trop salopée d'entrée de jeu par des réverbs en tous genres. C'est OK pour moi, examen d'entrée validé. La plus rythmée Morning Mr Magpie poursuit ensuite les débats. Assez neutre au début, le morceau prend de l'ampleur à partir de 2:35. Je ne peux m'empêcher de penser que c'est uniquement la voix de Thom Yorke qui porte ce morceau globalement assez moyen. Little by Little est sans doute sur la lignée du morceau précédent, mais étonnamment, et je ne me l'explique pas, des arrangements différents apportent une sacrée valeur ajoutée à la chanson. La piste suivante, Feral, apporte le côté ésotérique qu'il manquait au début de l'album. On retombe dans le sample, mais pas dans le putassier. Je clique sur "j'aime", et j'écoute la suite.
Lotus Flower, premier simple de l'album, et également premier vidéoclip (voir plus bas), me laisse, quant à elle sur ma faim (d'autant qu'il est 12h36 au moment où j'écris cette ligne). Le morceau n'est pas mauvais, mais pas aussi incroyable et foufou que je l'espérasse (imp. subjonctif). Codex est une curiosité. Je ne sais pas si le mec qui a fait le rip que je me suis procuré a fait ça à l'arrache, mais pendant une seconde de Codex, on a l'impression qu'on va entendre un tout autre morceau. Quoi qu'il en soit, Codex est une pure merveille. L'instru qui peut paraître simpliste de prime abord, révèle sa complexité au fil des secondes, et la voix de Yorke vient couronner le tout. Classe. Le pénultième titre, Give Up The Ghost, est une longue agonie. Un brusque retour à la réalité. Comme si, dans les Limbes comme sur Terre, il était possible que certaines choses aient une fin. La logique de la rhétorique crée un malaise assez troublant, que Separator, conclusion poppy du skeud se fait un plaisir de dissiper.

La note finale un brin plus joyeuse, qui vient compenser un album très sombre fait qu'on sort finalement indemne de l'écoute de ce très bon King of Limbs, bien qu'un peu sous le choc, quand même.


Radiohead - The King of Limbs (XL Recordings, sortie le 19/02/2011)
Note subjective pour le tableau excel (TMTC) : 4.5